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Deux jours plus tard.
République Tchèque. Dans une zone pavillonnaire de Prague. 15h00.
Après près de quatre heures de vol, Paveł arriva enfin dans sa maison d’enfance.
Sans grande surprise, la musique de Gen X résonnait dans la bâtisse et il entendait son père chanter en même temps au loin, sûrement dans la cuisine où il sentait l’odeur de steak lui frétiller les narines.
C’était l’un des titres préférés de son paternel. Issue du tout premier album de l’ancien quintette, ce titre n’était pourtant pas très gai puisqu’il parlait de suicide... Mais bon, certains morceaux vous prenaient aux tripes quel que soit le sujet abordé.
Il posa lentement ses bagages près de la porte d’entrée et se dirigea vers la source de bruit où il vit son père découper de la viande et des légumes, à fond dans sa musique.
Son père avait une si jolie voix, une voix qu’il qualifiait de velours et Paveł regrettait qu’il n’ait pas voulu poursuivre de carrière dans la chanson. Il aurait tellement fait un malheur ! En plus c’était un très bel homme, surtout du haut de ses bientôt 41 ans !
- Salut p’pa ! Dit Paveł en tchèque pour enfin signaler sa présence.
Son père se retourna, tout sourire et vint l’enlacer très affectueusement.
- Mon fils ! T’es là bien plus tôt que ce que je pensais !
- Je voulais te faire la surprise ! Lui mentit-il un peu.
En vérité, il était venu en avance pour essayer de le prendre sur le fait avec de l’alcool. Pour l’instant, il ne remarqua rien dans la pièce... Il fouillerait discrètement les placards plus tard.
- J’ai pas fini la préparation du repas, du coup... Tu vas devoir patienter un peu. Lui dit-il à la fin de leur étreinte.
- C’est pas grave et je vais t’aider. Lui proposa-t-il alors.
- Comme tu veux, fiston. Accepta le grand brun. - Alors, quels sont tes résultats de fin d’année ?!
Paveł lui fit part de sa réussite et après des félicitations joyeuses de son fier papa, ils discutèrent de choses et d’autres... dans une atmosphère détendue comme ça l’était la plupart du temps dans cette grande maison chaleureuse.
Ils passèrent à table et continuèrent de discuter tout en se délectant de l’excellente cuisine de Karel avant que son fils ne propose de débarrasser la table, ce que son père lui laissa faire volontiers tout en allant sortir les poubelles.
Après avoir mis toute la vaisselle dans le lave-vaisselle, Paveł entreprit de vérifier tous les coins et recoins des placards et tous les petits endroits où il était déjà tombé sur de l’alcool par le passé. Il était tellement prit dans son inspection qu’il ne remarqua même pas que son père était derrière lui en train de le regarder faire, un léger sourire triste au visage.
- Je n’ai pas bu une seule goutte depuis ce soir-là, Paveł... Rassure-toi.
Le concerné sursauta un petit peu et se tourna lentement vers son père, embêté de s’être fait prendre.
- Désolé... S’excusa le grand blond.
- C’était si grave que ça... ?
- Bah assez pour que tu ne t’en souviennes pas... Répondit le grand blond. - Mais je te fais confiance...
- Pas à cent pour cent visiblement. Je peux pas t’en vouloir... Fit Karel avec un ton un peu triste. - Mais sache que j’ai repris contact avec mon parrain aux Alcooliques Anonymes et que je n’ai pas l’intention de rechuter.
- Je suis ravi d’entendre ça... Mais je me demandais pourquoi l’accident des Gen X t’avais tant chamboulé jusqu’à briser tes quatre ans de sobriété... ? Lui demanda alors Paveł qui essayait de lui tendre une perche pour qu’il puisse avoir l’opportunité de lui dire la vérité de son propre chef.
Le grand blond regarda le visage de son père devenir de plus en plus triste. Il regardait le sol et semblait réfléchir...
- J’ai simplement été touché que la vie de ces jeunes soit fauchée ainsi... Marmonna-t-il ensuite. - Dieu merci que Köylen s’en soit sorti. Ce sera un déchirement de revoir Gen X sur scène pour la dernière fois...
- Ecoute papa... Ce soir-là, tu m’as dit des choses qui ont littéralement changé ma vie...
- Comment ça... ? Lui demanda alors Karel en le regardant droit dans les yeux. - Qu’est-ce que je t’ai dit ?
- Tu... Tu m’as dit être le père biologique de Köylen, papa...
Là, il vit des larmes monter aux yeux de son père qui reculait machinalement, sous le choc.
- Non... Non... C’est pas vrai... J’ai pas dit ça... J’ai menti...
- Tu... Tu m’as montré des photos de toi avec sa mère...
À court de mots, son père commença à pleurer à chaudes larmes. Jamais il n’aurait cru que son état d’ébriété lui aurait fait avouer son plus grand secret à son fils aîné.
- Pardonne-moi, mon fils... Pardon... Pardon de t’avoir caché ça... Ne me déteste pas !
Très ému, Paveł alla l’enlacer et tous les deux s’abandonnèrent à leurs émotions tout le temps nécessaire. Quand il sentit que son père était à court de larme, il se détacha un peu de lui.
- Je... Je t’ai caché quelque chose moi aussi, p’pa... Lui avoua-t-il à son tour.
Paveł lui dit la vérité sur son voyage en Finlande, sous le regard médusé de ce dernier.
- Tu... Tu as QUOI ?!
- Tu as très bien compris...
- Oh mon Dieu... Se lamenta Karel en allant s’installer sur son canapé où il fut aussitôt rejoint par son fils. - J’arrive pas à croire que tu aies eu le cran de faire ce que j’ai essayé de faire pendant quatre ans.
- Comment ça... ? Tu as essayé de le rencontrer plusieurs fois ?
- J’allais en Allemagne déposer une gerbe de fleur sur la tombe d’Ozvan depuis ton départ pour la France. La deuxième fois où je m’y suis rendu, je l’y ai vu. Expliqua Karel à Paveł. - L’année dernière, je me suis arrangé pour être le premier à déposer des fleurs sur sa tombe et je voulais attendre que Köylen y aille pour me présenter. Seulement il n’était pas tout seul, il y était avec ses amis et il chantait pour sa mère... J’ai pas eu le courage d’y aller.
- Alors... tu as appris son existence quand Gen X est devenu célèbre ?
- Oui... Et j’ai commencé à boire pour atténuer la douleur et ma tristesse. Lui expliqua Karel. - Si seulement j’avais su... Il doit tellement me détester...
- J’ai discuté avec lui il y a deux jours, p’pa...
- Ah... Ah bon... ?
- Il veut nous rencontrer tous les deux. La veille du dernier concert de Gen X, à quatorze heures chez lui. Lui apprit alors Paveł avec une certaine excitation alors que les grands yeux bleus de son père se remplissaient encore de larmes.
- C’est... C’est vrai ? Il... Il...
- Je ne pense pas qu’il te déteste... Je l’ai surtout senti déçu et un peu froid à ton égard mais il veut connaître la vérité. Tout comme moi...
- Je... Je comprends...
- Tu viendras, n’est-ce pas ? Voulu savoir Paveł pour se rassurer.
- Oui... Oui, je viendrai. C’est ce que j’attendais depuis huit ans après tout.
- Je suis rassuré. Je vais pouvoir leur confirmer notre venue... Ça va bien se passer, je suis confiant. Dit son fils, un grand sourire aux lèvres. - En tout cas sache que lui et moi on beaucoup de points en commun et qu’on a passé deux heures à discuter musique !
Karel se contenta de hocher de la tête. Il était à la fois extatique et très anxieux de rencontrer ce fils qu’il avait eu avec cette jeune allemande qui continuait encore de hanter ses jours et ses nuits.
Il espérait, tout comme son ainé, que cette rencontre se passerait dans les meilleures conditions.