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Evangelia retira lentement son doigt de l’interphone mais resta dans un état second, essayant de se persuader qu’elle était en plein cauchemar ou bien que c’était le space cake que lui avait préparé son voisin Kenny qui lui filait des hallucinations.

Elle se dirigea vers la fenêtre qui donnait sur l’entrée de son appartement et vit effectivement au loin une jeune femme métisse assise sur l’un des bancs du parc accompagnée d’un jeune homme blanc qui faisait les quatre cent pas devant elle.

Elle avait toujours dit qu’elle n’avait aucune envie de rencontrer son enfant mais d’un côté maintenant qu’elle se trouvait à quelques mètres, elle demeurait assez curieuse de découvrir sa personnalité.

Seulement voilà, cette jeune femme était comme sa boîte de pandore. Lui parler ferait ressurgir tous les maux qu’elle avait enfoui au plus profond d’elle...

Evangelia ne savait pas si Calypso avait déjà eu contact avec son père et sa tante, et si elle venait la voir à cause d’eux. Ou bien, elle alla même jusqu’à s’imaginer qu’ils étaient peut-être même déjà en ville et attendait qu’elle sorte le bout de son nez de son appartement pour la coincer...

La pauvre était en plein dilemme...

 

☠ ☠ ☠

 

 

- Je pense pas qu’elle viendra... En conclu Calypso en regardant l’heure sur son smartphone. - Il ne reste que cinq minutes.

- Je suis désolée pour toi... Au moins tu auras essayé.

- Elle a l’air assez originale comme femme, en tout cas. Fit remarquer Caly non sans glousser.

- J’avoue... Par contre elle doit y aller sur la clope, t’as entendu la voix qu’elle a ?

- Ouais, elle a la même voix que Whoopie Goldberg ! Répondit Caly en explosant de rire. - Bon, les trente minutes sont passées, on peut y aller... Dit-elle ensuite en se levant du banc.

- Tu veux qu’on aille au restau jamaïcain qu’on a repéré en venant ? Je me ferais bien un Jerk Chicken, je crève la dalle !

- Oui pourquoi pas... Accepta Caly en souriant tristement.

 

 

Alors que Sledge allait réconforter sa petite sœur, il vit une très grande et jolie femme noire à l’entrée du parc qui les regardait avec insistance tout en avançant avec hésitation.

 

- Caly... J’crois qu’elle est là. L’informa-t-il alors.

 

 

La jeune femme se retourna lentement et pour la première fois de sa vie, son regard se posa sur celui de sa génitrice. La première chose que les deux femmes remarquèrent fut la similarité de la couleur de leurs yeux. 

Evangelia approchait lentement, les bras croisés comme pour se protéger. Cette lenteur lui permettait de se remettre les esprits en place et surtout d’observer sa progéniture.

Caly faisait de même, même si elle avait reculé sans s’en rendre compte jusqu’à se coller à son frère qui regardait la scène silencieusement.

Ils remarquèrent qu’Evangelia était vraiment très grande. Elle devait faire au moins 1m85 sans ses talons. Ses cheveux étaient très longs et elle avait un Snake bite. Au vu de sa tenue elle semblait prendre soin d’elle et être très sexy dans la vie quotidienne.

Mais ce qui les frappa le plus, c’était la ressemblance entre la génitrice et sa progéniture. Evangelia était comme une représentation de Calypso dans une vingtaine d’année. Avec trente centimètres de plus...

 

 

- M... Merci d’être venu. Réussi à dire Calypso quand Evangelia  se trouva enfin bien face à elle.

- J’ai l’impression de faire une grosse erreur en venant ici, mais bon... Ce ne sera ni la première ni la dernière fois que je ferai un truc que je regrette.

- Je ne vais pas abuser de votre temps. Vingt minutes suffiront. Lui promis Caly, très intimidé par la grande femme qui la dépassait de trois têtes.

- Comment t’as trouvé mon adresse, déjà ? L’interrogea-t-elle alors.

- Mon père a pu obtenir votre adresse en appelant la police, tout simplement.

- Ton père biologique ou adoptif ?

- Adoptif.

- Hm. J’me souviens de lui. J’devine que t’es son fils. Dit-elle ensuite à l’attention de Sledge qui se contenta de la regarder de manière impassible. - T’es sa photocopie. Comme elle et moi... Continua-t-elle en reposant son regard sur Caly.

 

 

- Je... voulais savoir pourquoi vous avez essayé de vous débarrasser de moi peu après ma naissance ? Demanda enfin la petite brune, voulant enfin obtenir des réponses à ses interrogations. Même si son père lui avait révélé la raison de son acte, elle voulait tout de même entendre sa version de l’histoire.

- Parce que j’voulais pas d’toi, tout simplement. Répondit franchement son interlocutrice, pas le moins perturbé par ses paroles. - J’avais à peine dix-huit piges quand j’ai fait mon dénis de grossesse et la seule solution que j’avais trouvé était de partir le plus loin possible, de me débarrasser de toi et de retourner à Cuba comme si de rien n’était.

 

Caly se retint de ne pas pleurer face aux paroles d’Evangelia. Cette dernière paraissait tellement détachée en parlant de ce crime épouvantable que cela fit sortir Sledge de ses gonds.

 

 

- C’est moi ou vous regrettez presque de ne pas avoir réussi votre plan ?? Vous n’auriez pas pu accoucher sous X pour qu’elle soit adoptée ?? 

- J’voulais laisser aucune trace... pour pas qu’elle vienne me demander des comptes dix-neuf ans plus tard. Mais bon, j’suppose que c’est raté, n’est-ce-pas ? Répondit la grande femme, toujours de manière détachée. 

- J’en crois pas mes oreilles !! S’exclama Sledge en finnois, outré comme jamais. - Caly, tu ne peux pas continuer de discuter avec cette psychopathe ! Lui dit-il ensuite dans la même langue.

- Ne t’inquiète pas, je me suis préparée à cette éventualité. Je vais bien, promis... Lui répondit-elle, l’air sereine mais en même temps assez perturbée.

- C’est quoi cette langue chelou, là... ? Les questionna-t-elle en les regardant bizarrement.

- Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre une telle décision radicale ? Et mon père biologique était-il au courant de votre grossesse ? Continua de l’interroger Calypso en omettant délibérément de répondre à sa remarque.

- Ok, alors j’te dis tout de suite que si tu veux des informations sur ton père, c’est mort.

- Pourquoi ? Vous étiez en danger avec lui ? Me dites pas que mon père est un Castro !

 

 

 

À la plus grande surprise de Sledge et Caly, Evangelia explosa de rire pendant trente secondes avant de répondre.

 

- Un Castro !!! T’es rigolote, toi ! Et moi, en danger avec ton père ?? Tu parles, c’est l’homme le plus gentil que je connaisse. Il est tellement gentil que ça le rend parfois très con et impressionnable.

- Je vous en supplie, j’ai besoin de ces informations pour savoir qui je suis vraiment. Si j’ai d’autres membres de ma famille sur cette Terre, je suis en droit de le savoir. Vous me devez bien ça après ce que vous m’avez fait subir. S’exclama à son tour Calypso.

 

 

- J’te dois que dalle. Rétorqua Evangelia aussitôt, très froidement. - T’es uniquement la résultante d’une grosse connerie que j’ai commise en couchant avec ton père pour faire chier sa femme. À la longue je suis tombée amoureuse de lui mais j’étais bien consciente que ça ne mènerait à rien et que ça créerait trop de problèmes...  J’ai donc voulu t’effacer, j’ai échoué et même si j’en ai pas l’air, j’regrette de t’avoir fait du mal. C’était juste l’unique solution que j’avais pour pouvoir récupérer ma vie... Avoua-t-elle tout de même. - Puis j’suis juste pas du tout du genre à me morfondre pendant six cent ans... J’ai payé ma dette à la société, j’dois plus rien à personne et j’vis ma petite vie comme j’le peux. C’est de l’histoire ancienne en ce qui me concerne.

 

Caly prit le temps de digérer les informations qu’elle venait de recevoir. Même si elle ne manqua pas de notifier les regrets de sa génitrice, le renseignement qu’elle retint était qu’elle était en réalité le fruit d’un adultère. Elle comprenait alors assez pourquoi Evangelia était si réticente à en dévoiler davantage. Mais quand même... elle voulait en savoir plus !

 

 

- Ça veut dire que j’ai potentiellement des frères et sœurs ?

- Écoute ma petite, un jour tu auras les réponses à ces questions... mais pas par moi.

- Par qui, alors ??

- Qui sait ? Il arrive souvent que les réponses et solutions soient juste sous notre nez ! C’est p’tête ton cas ! Dit-elle malicieusement en haussant les épaules.

 

La petite brune ne comprenait absolument rien à ce que lui disait son interlocutrice. Evangelia, elle, préférait parsemer des indices çà et là plutôt que de lui avouer de but en blanc qu’elle fréquentait sa demi-sœur/cousine depuis plusieurs années et qu’elle avait déjà rencontré son père sans le savoir.

 

 

- En revanche, ce que j’peux te dire c’est que ton grand-père s’appelait Andres et ta grand-mère Divina. Il était agriculteur et elle sage-femme. Nous sommes des afro-cubaines comme tu as pu t’en douter et descendantes d’esclaves issus du Nigéria. Ton grand-père est mort deux ans après mon arrivée en Angleterre et ta grand-mère l’a suivi un an plus tard. Lui révéla Evangelia avec une certaine émotion. - Je n’ai pas de photos à te montrer malheureusement. Tout ce que je peux te dire c’est que tu tiens ton nez de ta grand-mère. 

- Merci pour ces informations... Marmonna Calypso.

- Tu as également la même texture de cheveux et la même forme d’yeux que ton père.

- Il est afro-cubain, lui aussi ?

- Non, il est né aux Etats-Unis. Ses parents, tes grands-parents, étaient des immigrés irlandais originaires de Cork. Il a la double nationalité... c’est comme ça qu’il a pu venir à Cuba. Précisa ensuite la très grande brune. - Voilà. À défaut de pouvoir te donner des infos plus concrètes, j’préfère te donner quelques indications sur tes origines ethniques.

- C’est déjà pas mal... mais je me pose toujours autant de questions, sinon plus. Dit Caly en soupirant. - Je suppose que vous agissez ainsi pour protéger sa femme et ses enfants ?

- J’suis désolée mais j’peux pas t’en dire plus, Calypso. S’excusa Evangelia. - Bon. Les vingt minutes sont largement passées. Je vais rentrer, maintenant...

- Merci d’avoir accepté de me rencontrer... Je sais que ça n’a pas dû être évident.

- Ça n’a pas dû l’être pour toi non plus.

- Effectivement...

 

 

- Mine de rien, j’suis finalement assez contente de t’avoir rencontrée. T’as l’air d’être une fille bien. Dans d’autres circonstances, j’aurais adoré élever une fille comme toi. Lui révéla Evangelia. - J’pense que si ça avait été le cas, tu serais pas devenu une chanteuse de metal mais une danseuse ! C’était ma plus grande passion et j’te l’aurais sûrement transmise. Qui sait... ? Elle soupira longuement. - Enfin bref, je vais y aller. Je te demande de ne plus me contacter à présent. Toute cette histoire te concernant appartient à un passé auquel je ne veux plus faire face. J’te souhaite tout le meilleur, ceci dit...

 

 

Et sur ces mots, Calypso regarda sa mère biologique s’éloigner tranquillement vers son appartement. Sans qu’elle ne puisse l’empêcher elle sentit les larmes couler sur ses joues. Sans dire un mot, Sledge l’enlaça et laissa sa petite sœur pleurer tout le temps nécessaire.

Il avait été également très affecté par ce qu’elle venait de vivre. Il était à la fois contrarié du comportement détaché d’Evangelia et à la fois reconnaissant qu’elle ait montré des remords concernant son acte ignoble. Il était également très content qu’elle ne veuille pas poursuivre de relation avec Caly car il était totalement certain qu’il n’aurait pas supporté de l’avoir dans les parages et de la voir se rapprocher de sa petite sœur...  

 

- Merci d’avoir été là, Sledge.... Dit cette dernière après s’être calmé.

 

Elle était contente d’avoir franchi ce pas important dans sa quête de son identité. Elle ne s’attendait franchement pas à ce que sa génitrice soit encline à se rapprocher d’elle (ce n'était, de toute façon, pas ce qu'elle recherchait...), mais cette courte conversation et le peu d’information qu’elle avait réussi à glaner sur son géniteur furent assez pour provoquer une crise de larmes qu’elle réussit enfin à contrôler.

 

- C’est normal, ma puce... Comment tu te sens ?

 

 

- Assez frustrée, je dois bien l’avouer... Au moins je connais mes origines mais je suis pas plus avancée sur les autres membres de ma famille biologique. Ça a l’air d’être un bordel sans nom cette histoire. J’crois que j’vais avoir besoin d’une petite pause avant de faire de nouvelles recherches... J’ai un peu peur de ce que je vais découvrir en creusant un peu plus...

- Prends tout le temps nécessaire et de toute façon tu sais que je serai toujours là pour toi. Comme tu l’as été et le sera pour moi.

- Je sais, frangin... Dit Caly en l’enlaçant. - Bon... Je veux bien qu’on aille se faire ce Jerk Chicken...

- Ça marche... Allez, viens. Répondit Sledge en prenant sa sœur par la main avant de sortir de la résidence d’Evangelia.

 

 

Cette dernière était très abattue quand elle franchit enfin la porte de son logement. Elle se laissa glisser contre sa porte et pleura sans retenue. Sa rencontre avec sa fille l’avait, contre toute attente, complètement bouleversé.

Comme dit plus tôt, Calypso était comme sa boîte de Pandore et Evangelia avait ouvert cette boîte en connaissant tous les maux qu’elle contenait. Elle faisait face encore une fois à toute la douleur qu’elle avait infligée à sa famille par ses actions et ne pouvait s’empêcher de se sentir pathétique et qu’elle méritait sa vie de galère...

Elle resta là à pleurer pendant une bonne heure avant de se décider à prendre une autre part de space cake, histoire d’atténuer sa tristesse, tout en espérant que ce serait la dernière fois que son passé viendrait frapper à sa porte.