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♫ Madonna - Erotica ( Instrumental ) ♫
Une jeune femme se préparait tranquillement dans sa loge avant de se rendre sur scène pour faire son show comme elle le faisait depuis un an déjà. Elle travaillait dans un grand club de striptease londonien et haïssait son job mais elle n’avait pas vraiment eu le choix lorsque ce travail lui avait été proposé. Soit elle l’acceptait, soit elle se retrouvait au bord de la route à proposer des rapports tarifés à des inconnus. Elle préférait largement être stripteaseuse que prostituée... Au moins, elle était protégée et ne risquait en aucun cas de tomber sur un psychopathe qui tenterait de la zigouiller.
Elle était consciente qu’elle avait totalement foirée sa vie mais elle restait persuadée que la décision qu’elle avait prise était la meilleure. Elle ne pouvait et ne voulait pas avoir cet enfant... Sa vie aurait été d’autant plus catastrophique si elle s’en était occupée. Bien sûr, elle était au courant que son enfant avait été adopté par des étrangers, mais elle n’avait pas cherché à en savoir plus. Cet enfant n’aurait pas du vivre...
Parfois, elle repensait à sa vie avant que tout ceci ne soit arrivé. Elle songeait à sa merveilleuse vie à Cuba auprès de sa sœur jumelle, de leurs parents et de quelle manière elle avait tout brisé en faisant ses conneries et en prenant la fuite pour l’Angleterre... Elle finissait toujours avec la conclusion que ce qui lui arrivait était tout à fait mérité.
Elle avait perdu tout ce à quoi elle tenait : ses amis, sa passion pour la danse et surtout sa famille. Lorsqu’elle s’était retrouvée dans les ennuis avec la justice anglaise, elle avait naïvement pensé que sa famille et ses meilleurs amis viendraient la soutenir, même si elle avait commit un acte ignoble et qu’elle méritait ce qui lui arrivait. Une famille devait, selon elle, toujours soutenir ses proches même dans les pires moments. Mais en quelque part, le fait que sa famille ne lui ait fait aucun signe de vie l’avait en quelque sorte aidée à grandir même si elle leur en voudrait pour le reste de sa vie.
C’était à cela qu’elle pensait à chaque fois qu’elle s’installait devant sa coiffeuse pour se maquiller. Elle avait aussi pour habitude d’observer son visage qui avait beaucoup prit en dureté. Elle ne souriait presque jamais et riait encore moins... Sa vie était tellement pathétique qu’elle n’avait plus goût à rien. Elle avait trente six ans maintenant et pour elle, sa vie était totalement foutue. Elle se demandait même parfois, si elle n’allait pas en finir en avalant une grosse quantité de somnifères...
Alors qu’elle continuait de faire le point sur sa misérable vie, les vibrations de son vieux téléphone portable la sortirent de ses pensées. L’appareil sonnait d’habitude très rarement en sachant qu’elle n’avait pas d’amis et que les seuls détenteurs de son numéro étaient ses amants. Lorsqu’elle vit l’indice téléphonique sur le mobile, elle comprit deux choses : c’était un appel étranger et plus exactement de Cuba. Les sourcils de la jeune femme se froncèrent alors instantanément et ce fut avec une forte perplexité qu’elle décrocha :
- Oui... ? Fit-elle de sa voix roque, résultat du paquet de clope journalier qu’elle consommait depuis vingt ans maintenant.
- Bonjour... Excusez-moi de vous déranger, mais j’aimerais parler à Evangelia Crùz s’il vous plaît. Demanda une petite voix dans un anglais parfait mais fortement accentuée par un accent cubain.
- C’est de la part de qui ? Demanda alors à son tour Evangelia dont le cœur commençait à battre la chamade. Elle reconnaîtrait la voix de sa fausse jumelle entre mille, mais elle trouvait absurde qu’elle prenne subitement contact avec elle dix neuf ans après l’avoir totalement ignorée... C’était pourquoi elle avait besoin de s’assurer qu’elle n’hallucinait pas.
- De la part de sa sœur, Mila...
Les yeux d’Evangelia s’embuèrent instantanément. Elle était à la fois heureuse d’entendre sa voix mais aussi très furieuse qu’elle, sa propre sœur, l’ait laissée tomber au moment où elle avait le plus besoin d’elle et de leurs parents ! Elle lui en voulait de ne pas lui avoir pardonné sa fuite. De plus, le fait qu’elle-même ne l’ait pas immédiatement reconnu lui fit énormément de mal.
- Elle n’est pas disponible... Je peux lui laisser un message ? Elle n’avait pas du tout envie de lui parler. Il allait lui falloir un peu de temps avant ça... C’était trop dur pour elle et elle était obligée de faire un sacré effort pour ne pas craquer et pleurer au combiné.
- Heu... Je ne sais pas, c’est d’ordre très personnel et je ne sais pas à qui je parle...
- C’est à vous de voir. En tout cas, vous avez ma parole que je ferai passer le message et qu’elle vous appellera dès que possible. Mais c’est étrange, elle ne m’avait jamais parlé d’une sœur...
- C’est disons... compliqué. Evangelia remarqua facilement que sa sœur avait l’air soudainement gênée. - Dites lui simplement que nous avons trouvé Calypso et que nous attendons, Brian et moi, son appel avec impatience. C’est urgent, vous comprenez ?!
- Calypso ? Qui est-ce ?
- Sa fille. N’oubliez surtout pas, je vous en supplie, c’est extrêmement urgent. Au revoir. L’informa alors Mila avant de raccrocher.
Evangelia s’appuya sur sa coiffeuse, bouleversé par ce qu’elle venait d’apprendre. L’événement qu’elle redoutait tant semblait être sur le point d’avoir lieu... Elle ne voulait rien savoir sur cette gamine même si le fait d’entendre le prénom que ses parents adoptifs avaient choisis pour elle éveilla sa curiosité. Elle avait seulement vu l’homme qui avait adopté sa fille lorsqu’ il avait témoigné contre elle lors de son procès. C’était lui qui l’avait retrouvé à l’endroit où elle l’avait abandonnée et elle avait été surprise lorsqu’elle avait apprit quelques temps plus tard qu’il avait obtenue la garde de son enfant non désiré.
Il y avait plusieurs choses qu’elle ne comprenait pas dans cette histoire : tout d’abord, comment Brian et Mila avaient obtenu son numéro de téléphone ? Elle possédait cette ligne depuis peu... Et surtout, pourquoi avaient ils recherché sa fille, sachant ce qu’elle lui avait fait subir ?! Evangelia réfléchit quelques instants et une seule raison lui vint à l’esprit, et cela ne lui faisait pas vraiment plaisir...
- Evy, ça va bientôt être à toi ! Entendit-elle derrière la porte.
- J’arrive ! Elle était consciente qu’à partir de maintenant, sa vie ne serait plus aussi « tranquille » et qu’encore une fois, elle allait devoir faire face à ce passé... qu’elle tentait en vain de mettre de côté une bonne fois pour toute.